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Le Combat de Lagarde
19 avril 2014

Château de Martincourt : rester ou fuir

   Heinrich Bergerfurth est le propriétaire du château de Martincourt et de ses dépendances depuis 1897. Il se situe au sud de Lagarde, à la frontière de la Lorraine annexée. Martha sa fille, dans la traduction de son journal, (Château de Martincourt et ses habitants pendant les années de guerre 1914-1918), évoque ses souvenirs, notamment les dates et les événements importants qui vont bouleverser leur vie.

   Mardi 28 juillet 1914 – Papa est allé à Xures et il a vu là-bas des garde-frontières français munis de cartouches à balles réelles, dans le fossé au bord de la route de Vaucourt qui faisaient le gué ; dans le village lui-même le calme régnait.

   Samedi 1er août 1914 – A 5 heures du matin, papa se renseigna à Lagarde pour savoir si c’était la mobilisation, à quoi on lui répondit par la négative, mais les réservistes avaient été rappelés dans la nuit. Nous ne pouvions plus téléphoner plus loin qu’à Lagarde, il n’y avait plus de lettres ni de journaux pour nous. Les heures se succédaient identiques à elles-mêmes quand soudain le téléphone redouté sonna : c’était une dépêche du bureau de recrutement qui stipulait que la voiture devait être livrée à Dieuze.

   À 9 h. Weber s’y rendit et à 5 h. je l’entendis revenir et je pensai aussitôt que le danger était passé. Malheureusement, c’était une erreur ; il y avait eu un accrochage avec un autre véhicule, devait en informer papa et repartir aussitôt. Il dit qu’à Dieuze tout était prêt mais que personne ne songeait à quelque chose de sérieux. Nous fûmes soulagés !

   Depuis mercredi, il y avait autour de Martincourt des sentinelles, le soir aussi ; je n’avais pas particulièrement envie de m’entretenir avec elles. Pour la première fois nous allions nous coucher un peu plus rassurés, quant à minuit nous fûmes confrontés à la cruelle réalité.

   C’était la mobilisation….

   Une heure plus tard, Weber emmena la voiture pour repartir tout de suite. A 5 heures, on reçut l’ordre de conduire les chevaux à Bénestroff et tous ceux de 17 à 45 ans devaient répondre à l’appel. Papa essaya alors de vendre son bétail : 46 têtes, ce qu’il réussit d’ailleurs. Dans la soirée, on les mena à Lagarde, toute sa fierté. Il ne restait que 7 vaches et 12 veaux. La famille Schiffmann devait rallier Martincourt pour la durée de la guerre, étant donné que le moulin était trop isolé. Le dimanche après-midi, nous emballâmes nos vêtements et notre linge dans une valise, que nous transportâmes à la cave. Nous pensions bien à un incendie éventuel mais pas à un vol.

    Lundi 3 aoûtAlors qu’il est informé que les Français l’arrêteraient immédiatement comme espion, il décide de fuir le domaine avec sa famille.

   Papa nous communiqua son plan à savoir transmettre l’affaire à Schiffmann et s’enfuir. Nous nous y opposâmes tous, car nous ne voulions pas quitter nos gens, mais quand nous entendîmes ses arguments, nous devions lui donner raison. Maintenant, il était convenu que nous partirions ce jour dans l’après-midi. Nous commençâmes alors à nous préparer et papa partit à Lagarde. Une demi-heure plus tard, il revint et nous cria que dans une demi-heure nous devions avoir quitté la ferme. Dans la nuit, des cavaliers du 7e dragons avaient été relevés ; ceux-ci lui avaient dit que le danger s’approchait. Pendant que nous nous préparions, un sous-lieutenant des dragons nous apporta, en filant à toute allure dans le parc, le passeport : ça sentait le roussi.

   Nous prîmes congés de Martincourt sans tambour ni trompette, sans soupçonner comment nous le retrouverions. Nous pouvions prendre comme bagages que 2 sacs avec le strict nécessaire. A Lagarde, nous apprîmes que la guerre était déclarée à la Russie. Tout s’acharnait contre nous et on craignait les Français. Nous dûmes passer plusieurs sentinelles et arrivâmes d’abord à Marimont, où c’était encore relativement calme. A la ferme d’Ormange, un nouveau messager de malheur au grand galop nous rencontra : nous avions déclaré la guerre à la France. Dans la nuit des avions français avaient déjà lancé des bombes sur le Bade et le Wurtemberg.

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